Depuis qu’elle est toute petite, Maude Amyot entend son père lui répéter à quel point il est important d’aller à l’école. Si l’argent ne fait pas le bonheur, lui dit-il, il permet au moins d’acheter le nécessaire et même d’avoir une voiture.
Maude a retenu le conseil. Elle vient de terminer un baccalauréat en traduction à l’Université de Montréal et, la cerise sur le gâteau, elle vient d’empocher 1000 $ pour sa persévérance et les efforts qu’elle a déployés pour obtenir son diplôme.
La jeune femme, dont les ancêtres du côté paternel sont originaires de la communauté de Wendake, est la première Autochtone à recevoir le prix Claude-Kistabish.
Remis par le Bureau des bourses d’études de l’Université de Montréal, il est décerné à un étudiant des Premières Nations, inscrit au registre fédéral des Indiens, qui a fait ses études de premier cycle et qui a obtenu son diplôme.
Un exemple à suivre
Être diplômé, c’est ce que souhaitait Claude Kistabish. À 44 ans, cet Abitibiwinni de la communauté de Pikogan avait entrepris un baccalauréat en anthropologie, spécialité archéologie. Il caressait un rêve, celui de devenir le premier archéologue algonquin du pays.
Pour y arriver, il avait d'abord eu à vaincre un problème de consommation d'alcool.
« C’était un modèle de persévérance », souligne Marie-Pierre Bousquet, professeure titulaire au département d’anthropologie de l’UdeM et l’instigatrice du Fonds Claude-Kistabish.
« Il avait dû travailler très fort, partir en ville, quitter les siens, sa communauté, ses réseaux, trouver des bourses d’études, redevenir un étudiant, se remettre à niveau, tout ça dans sa seconde langue, puisque sa première langue était l’anishnabe mowin, la langue algonquine.»
Après avoir obtenu son baccalauréat, il avait poursuivi à la maîtrise. Il avait rédigé la moitié de son mémoire quand la maladie l’a stoppé en 2013. Claude Kistabish est décédé en avril 2016.
C’est à sa mémoire que Marie-Pierre Bousquet, sa codirectrice de maîtrise, a proposé la création du Fonds Claude-Kistabish, et « dans le but d’encourager les étudiants des Premières Nations à poursuivre des études postsecondaires en reconnaissant leurs efforts et leur persévérance. »
« Ce n’est pas évident de se dire Amérindien dans une université », constate Mme Bousquet, qui est directrice du Programme en études autochtones à l'Université de Montréal.
« On parle beaucoup du décrochage scolaire, mais on parle peu des étudiants qui arrivent à l’université. Tout ne leur est pas payé, précise-t-elle, c’est une des fausses idées qui circulent, ça représente énormément de sacrifices. »
Marie-Pierre Bousquet a d'ailleurs décidé de verser tous les droits d'auteur de son livreLes Anicinabek: du bois à l'asphalte; le déracinement des Algonquins du Québecparu aux Éditions du Quartz, pour enrichir le Fonds Claude-Kistabish. Le montant du prix remis annuellement dépendra des sommes reçues d'année en année.
Un prix et non une bourse d'excellence
Des sacrifices, Maude Amyot en a fait pour assurer son avenir et obtenir son bac en traduction. Mais elle tient à souligner le soutien de sa communauté et particulièrement du Centre de Développement et de Formation de la Main-d'oeuvre Huron-Wendat à Wendake. Aujourd’hui Maude se cherche un emploi.
« Avec un diplôme en poche, que ça soit universitaire, collégial ou professionnel, ça aide à avoir une certaine garantie d’un salaire convenable qui nous permet de vivre et pas de survivre », conclut la première lauréate du prix Claude-Kistabish, un prix et non une bourse d’excellence qui lui a été remis dans le cadre de MITIG, la Semaine autochtone de l’UdeM.