Un an après la diffusion d'un reportage de l’émission Enquête sur des allégations d'abus à l'égard de femmes autochtones, les communautés anishnabeg de Lac-Simon, de Kitcisakik et de Pikogan se mobilisent pour dénoncer la lenteur des procédures judiciaires, le manque de soutien financier dans les communautés et plus particulièrement la poursuite de l’Association des policiers provinciaux du Québec (APPQ) contre Radio-Canada. La semaine dernière, un recours institué par 41 agents de la Sûreté du Québec contre la société d’État a jeté une douche froide sur les intervenants et les victimes impliqués dans le dossier d’allégations d'abus à l'égard de femmes autochtones. Dans les trois communautés, les gens cherchaient à comprendre l’objectif derrière la procédure judiciaire et s’expliquaient mal comment il était possible qu’encore aujourd’hui on mette en doute les témoignages des victimes. « Lors de sa diffusion en octobre dernier, l’émission Enquête a mis en lumière les trop nombreux cas d’agression et d’abus commis par des policiers envers les femmes autochtones. Cela a donné le courage à plusieurs victimes de sortir de l’ombre et de dénoncer leurs agresseurs. La mise en demeure de l’Association des policiers provinciaux du Québec (APPQ) contre Radio-Canada risque de perpétuer la méfiance qu’ont les femmes autochtones et toute la communauté envers les policiers », a déclaré Adrienne Jérôme, Cheffe de la communauté de Lac-Simon. Pour les femmes autochtones des trois communautés, la poursuite de l’APPQ est un geste odieux qui ne vise pas la bonne cible. Si des policiers ont été retirés de leurs fonctions ou sont placés en retrait administratif suite au reportage d’Enquête, ils devraient plutôt pointer du doigt le processus d’enquête qui est interminable et perpétue le climat de méfiance. À ce jour, aucune accusation n’a encore été portée. « Nous avons toujours l’impression que lorsqu’il s’agit de cas d’abus ou de violences envers les femmes autochtones, les autorités policières ou gouvernementales font délibérément en sorte de faire traîner les enquêtes dans l’espoir que le temps aide à faire oublier. Je pense particulièrement à Sindy Ruperthouse qui est disparue depuis maintenant plus de deux ans. L’enquête traîne en longueur et la famille reste sans réponse. L’enquête sur les cas d’abus devrait, doit, être une priorité », a déclaré Françoise Ruperthouse, conseillère d’Abitibiwinni et responsable du dossier des femmes. UNE AIDE FINANCIÈRE QUI SE FAIT ATTENDRE Bien avant le reportage d’Enquête et tout le battage médiatique qui s’en est suivi, les trois communautés autochtones étaient déjà mobilisées pour offrir support et aide aux victimes d’abus et d’agression ainsi qu’aux familles. Le travail de première ligne se faisait tant bien que mal malgré le manque de ressources spécialisées. Après la diffusion de l’émission, le gouvernement s’était engagé à débloquer une aide financière afin d’offrir support et services pour les victimes. À ce jour, aucune des trois communautés n’a reçu d’aide d’aucune forme que ce soit. « Lorsque le gouvernement du Québec a annoncé une aide substantielle pour des services, nous avons poussé un soupir de soulagement parce qu’enfin, croyait-on, les communautés seraient mieux équipées pour faire face aux problèmes. Nous avons vite déchanté quand nous avons appris que l’ensemble des ressources était dirigé vers des organismes de Val d’Or. Nous ne sommes pas contre une aide à ces organismes qui font du bon travail, cependant en privant les communautés qui font le travail de proximité, les autorités perpétuent l’infantilisation des conseils qu’ils croient incapables de faire partie de la solution et privent du même coup les populations locales », a précisé la Cheffe de Kitcisakik, Adrienne Anichnapéo.